Les femmes et le numérique, les clichés ont la vie dure
La part des femmes dans les métiers du numérique n’est que de 25% et devrait baisser encore. En cause, les stéréotypes renvoyés par le secteur mais aussi des promotions peu égalitaires et des conditions de travail éprouvantes. Un rapport fait le point.
Quelle place pour les femmes dans les métiers du numérique ? Pour répondre à cette question, le Cigref et l’Association Française des Managers de la diversité (AFDM) ont scruté les pratiques de gestion de ressources humaines associées à ce secteur pour en tirer un livre blanc.
Déjà maintes fois énoncé, le constat de la sous-représentation des femmes se confirme et s’accentue même. Alors que la part des femmes dans le numérique est de l’ordre de 25%, il n’y avait que 11,6% d’ingénieures qui ont été diplômées dans les NTIC en 2010. La proportion n’est guère plus élevée dans les cycles courts : 10,1% en BTS et 18,8% en DUT informatique. Un constat d’autant plus inquiétant que le rapport note un recul des inscriptions des filles dans les études consacrées au numérique au cours des années 2000.
Le désintérêt des jeunes filles pour le numérique est «énigmatique»
Pour les rapporteurs, ce phénomène de désintérêt est «énigmatique». «S’il est attesté que les filles réussissent mieux leurs parcours scolaires secondaires que les garçons et que toutes les filières d’études supérieures se sont, en large partie féminisées ; le domaine des sciences et singulièrement celui des sciences appliquées résiste durablement à cette tendance.»
Comment expliquer alors la forte féminisation des ingénieurs en informatique dans les pays émergents (Asie, Europe de l’Est…) ? Elle tiendrait à la place qu’y occupe la science comme projet de développement de la société et d’amélioration des conditions de vie. Il suffit, effectivement, de se rendre sur les campus des grandes SSII indiennes où l’on croise autant de femmes que d’hommes pour s’en persuader.
Le numérique n’exerce pas la même attractivité dans notre pays, en dépit de la forte participation des femmes au marché du travail et des politiques en faveur de l’égalité femme-homme. Les stéréotypes ont aussi la vie dure. Les filles se conformeraient aux rôles sociaux pressentis et l’image du geek rivé à son écran n’emporte pas forcément l’adhésion.
Aux femmes, la gestion de projet et la relation-client
Des clichés qui ne sont pas si éloignés de la réalité. Le rapport évoque une division du travail qui redistribue les emplois entre hommes et femmes. Aux hommes, l’analyse, le développement technique, et le pilotage des projets offshore. Aux femmes, les tâches centrées sur le relationnel : la gestion de projet, le management, la relation avec les clients. Les femmes sont également appréciées dans les métiers du web et du multimédia. La recherche par les entreprises de la fameuse double compétence technique et non technique a pour conséquence d’avantager les femmes. Même si elle a également «comme effet inverse de les confiner dans ces rôles spécifiques.»
Le plafond de verre reste aussi increvable. Si, comme on l’a dit, la part des femmes dans les métiers du numérique est de l’ordre de 25%, cette proportion tombe à 19% parmi les cadres dirigeants. Dans le numérique, les procédures de promotion «plutôt opaques» ne seraient pas propices aux évolutions de carrière des femmes. «Celles-ci favorisent en effet davantage l’avancement par cooptation, basée sur une connaissance professionnelle et extra-professionnelle partagée plus facilement par les hommes, alors que les femmes feraient davantage reposer leur justification à l’avancement par leurs seuls résultats professionnels.»
Le monde des SSII plus éprouvant pour les femmes
Par ailleurs, les femmes sont plus sensibles aux interruptions de carrière et à la mobilité géographique. «Ainsi les passages de début de carrière en SSII, de projets en projets, de rebonds en cas de restructurations, représentent des moments davantage critiques et biographiquement plus éprouvants, chez les femmes, que chez les hommes.»
De même, les écarts de rémunération entre hommes et femmes persistent, et ce d’autant plus que l’on monte dans la hiérarchie des statuts. En revanche si la situation des femmes ingénieures s’est précarisée, c’est moins le cas dans le numérique. En 2009, la proportion de femmes en recherche d’emploi était inférieure à 5% contre 7,5% toutes fonctions confondues.
Au-delà du constat, le rapport propose quelques pistes pour rentre le secteur moins discriminant. Pour mieux cadrer les conditions de travail propres aux SSII, les membres de la commission AFMD-Cigref suggèrent de s’inspirer de pratiques déjà existantes dans le secteur hospitalier «particulièrement sujet aux horaires atypiques et à l’imprévisibilité». Les enjeux de formation dans les sociétés de services devraient être aussi mieux formalisés pour ne pas s’en remettre à la seule «motivation naturelle à l’auto-formation» des salariés.
Enfin, les rapporteurs conseillent de favoriser le «mentoring des femmes par les femmes» en favorisant le partage d’informations, de connaissances et d’expériences entre consœurs. Des structures qui peuvent donner naissance à «des réseaux d’entraide professionnels performants dans la résolution de problèmes».
Consulter l’étude de AFMD-Cigref
Source : 01Business
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